J'ai entendu une fois cette réflexion à propos de Jésus[1] :

"De deux choses l'une : soit Jésus était réellement le Fils de Dieu, soit il était fou. Il n'y a pas d'autre alternative possible."

Et à ce jour, je crois que c'est une des conclusions les plus honnêtes et les plus logiques qui soient. Parce que si l'historicité du personnage ne fait aucun doute, beaucoup de gens ne savent pas trop quoi penser de lui. On entend dire ici que c'était un prophète, là que c'était un philosophe, un humaniste, un rabbin, un pacifiste à la Ghandi... Bref la plupart des gens semblent le reconnaître comme un homme sage, dont les enseignements sont plein d'amour et de bon sens.

On le voit comme celui qui a recommandé d'aimer son prochain comme soi-même, comme celui qui a préféré le pardon à la condamnation aveugle, comme celui qui demandait de tendre l'autre joue plutôt que de répondre à la provocation. Mais pourtant, réduire son message à celà me semble particulièrement erroné.

Quand je relis les récits de sa vie, quand j'étudie ce qui nous est rapporté de ses enseignements, ce que je vois dans tout cela, au-delà du message d'amour et de fraternité, c'est qu'il s'est aussi clairement présenté comme étant le Fils de Dieu.

A la femme samaritaine qui le prend d'abord pour un prophète, et lui dit :

"Je sais que le Messie doit venir celui qu'on appelle Christ"

il répond sans la moindre ambigüité :

"Je le suis, moi qui te parle." (Jean 4:25-26)

Au souverain sacrificateur qui cherche à la condamner pour blasphème en lui demandant :

"Je t'adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu."

Jésus répond sans hésitation :

"Tu l'as dit. De plus, je vous le déclare, vous verrez désormais le Fils de l'homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel." (Matth 26:63-64)

Alors certes, Jésus a prêché l'amour, il a encouragé les hommes à se pardonner les uns aux autres, mais il est aussi celui qui s'est fait l'égal de Dieu, qui a annoncé être descendu du ciel et qui en était convaincu au point d'aller jusqu'à accepter de se faire crucifier, persuadé que son sacrifice permettrait aux hommes de trouver le salut et qu'il ressusciterait au bout de trois jours :

"Voici, nous montons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera livré aux principaux sacrificateurs et aux scribes. Ils le condamneront à mort, et ils le livreront aux païens, pour qu'ils se moquent de lui, le battent de verges, et le crucifient; et le troisième jour il ressuscitera."
Matth 20:18-19

Donc je ne vois pas trente-six conclusions possibles : soit Jésus était complètement fou, il s'est fourvoyé toute sa vie, et la partie "humaniste" de ses enseignements est finalement anecdotique (peut-on vraiment accorder du crédit à quelqu'un qui délire autant ?), soit comme je le crois, il avait raison et dans ce cas-là, en faire un simple penseur est à la fois insultant et totalement erroné.

En toute logique, il n'y a donc que deux possibilités, et un choix s'impose. Essayer de le placer quelque part entre les deux, c'est refuser de choisir, éviter de reconnaître qu'il existe un Sauveur qui est mort non pas à cause de ses péchés, mais à cause des nôtres. Et dans ce cas-là, il est plus honnête de le croire fou que philosophe.

Notes

[1] J'avais perdu la source de cette citation, mais je viens d'en retrouver la trace chez C. S. Lewis, qui l'empruntait lui-même à G. K. Chesterton...