Il était près de deux heures et demie du matin. Mais malgré l'heure tardive et la fatigue qui commençait à se faire sentir, mes yeux y voyaient encore clair. Pourtant, il m'a surpris. Il a bondit de je ne sais où, sans me laisser le moindre temps pour réagir. Par pur réflex, mes mains ont tiré sur le volant et la voiture a fait un écart. Et en l'espace d'une fraction de seconde, tout était terminé, mais la confusion qui régnait dans mon esprit ne me permettait pas de savoir si je l'avais évité ou non. Y avait-il eu un choc ? Je ne pouvais le dire. La soudaine montée d'adrénaline avait brouillé mes sens, et mes oreilles avaient été incapables de me renseigner là-dessus, pas plus qu'une hypothétique secousse...

Je n'ai pas osé regarder dans le rétroviseur, et ce n'est qu'au retour que j'ai découvert son corps sans vie qui gisait sur le bas côté. La mort avait été aussi brutale qu'inattendue, semble-t-il. Au moins, il n'avait pas souffert. Je dis "il"... Peut-être était-ce elle ? Le doute était permis, et je n'ai pas eu l'audace de vérifier... Mille questions m'ont alors traversé l'esprit. Avait-il une famille ? Est-ce que sa femme allait l'attendre indéfiniment, espérant vainement son retour ? Est-ce que ses enfants allaient devoir commencer cette nouvelle année sans leur père ? Pour moi, ce n'était qu'un inconnu, mais pour ses proches...

Et puis finalement, cette nouvelle question a résonné dans ma tête : qu'est-ce qui a bien pu le pousser à traverser la route en pleine nuit de cette manière ? Ce tragique accident cachait-il le geste désespéré d'une âme esseulée ? A-t-il préféré en finir parce que plus personne ne serait là pour se souvenir de lui ? C'est possible. Et c'est pour ça que j'ai voulu rédiger ce billet. A la mémoire de ce petit lapin qui a péri sous mes roues. Pour qu'il ne soit jamais oublié, et qu'il reste pour nous plus qu'un nombre, plus qu'une victime supplémentaire dans les statistiques des accidents de la route.

Voilà comment j'ai fait ma première victime au volant, après près de 7 ans de permis. Tout ça pour avoir voulu aller faire des photos de nuit. Mais cette photo-là, je ne la publierai pas, parce que j'imagine que des âmes sensibles lisent ce blog, et aussi par respect pour le défunt.