Partir, sans rien dire, sans prévenir personne. Sauter dans la voiture et rouler. J'ai envie de changer d'air, de décor, de me changer les idées. Envie de prendre le large, ne serait-ce qu'une journée.

Une journée pour rien. Une journée pour moi. Ne rien prévoir de précis, juste une vague idée de ma destination, et le reste se décidera au moment.

T-Rex Je pars au hasard, au sud, là-bas, vers la mer, en commençant par un petit musée où il n'est pas question d'art. Quitte à passer dans le coin, c'est l'occasion de faire quelques photos pour plus tard, si j'ai besoin d'illustrer certains billets. Ce qui me donne l'occasion d'entendre un guide ou un professeur commenter chaque vitrine pour une classe en visite. Et de constater qu'on présente toujours de façon aussi dogmatique certaines théories aujourd'hui dépassées ou très controversées. Comme si on cherchait à convaincre ces élèves que tout est prouvé et qu'il est complètement surréaliste de remettre en question le moindre détail.

Gorges de l'Aude Puis je poursuis ma route un peu plus loin sur les terres de Lorénico. Je parcours les Gorges de l'Aude pour aller jusqu'à la mer. Les paysages sont magnifiques par ici. La petite route serpente entre les parois calcaires, les traverse parfois. Le ciel chargé commence à s'éclaircir, et le soleil de début d'après-midi s'affirme de plus en plus.

Lorsque j'atteins la plage, il est au plus haut, au plus chaud. Quelques personnes sont éparpillées sur le sable, peu sont dans l'eau. J'imagine qu'elle n'a pas encore atteint sa température idéale à cette époque-ci de l'année, même si l'air ambiant est déjà suffisamment brûlant. La plupart se contentent de dormir au soleil, quelques-uns marchent au bord de l'eau ou jouent au volley. Plusieurs me regardent bizarrement, avec mon appareil à la main.

Qu'est-ce qu'il peut bien y avoir à prendre en photo sur une plage presque vide ? Collioures Plein de choses, mais ils doivent avoir peur d'en faire partie. C'est vrai que j'aurais bien proposé à certaines de poser. Il paraît que ça se fait, mais je suis trop timide pour aborder des inconnues comme ça. De toutes façons, je risque de rester mon seul modèle tant que je ne prendrai pas un peu plus confiance en moi. Je doute que beaucoup de gens se proposent spontanément lorsqu'ils voient un photographe débarquer. Et puis vu les regards de ceux qui m'observent derrière leurs lunettes noires, il est probable que le fait de demander cela à des jeunes filles sur la plage serait mal interprété.

Un peu plus tard, je décide d'aller plus loin. Collioures, Port-Vendre, ces petits ports pittoresques au fin fond du département, là où les montagnes viennent se baigner dans la mer. Le décor est splendide, vu depuis les hauteurs environnantes. Et je ne suis pas le seul à le penser. A chaque virage, je croise du monde en train de photographier le paysage.

Je descends ensuite parcourir les rues de Collioures. Les couleurs, la lumière, les formes... Tout semble se prêter à la photo. Mais le plus dur est d'arriver à enfoncer le déclencheur sans avoir trop de monde dans le champ. Même à cette période, les rues regorgent de touristes. Autour de moi, j'entends parler anglais, allemand... Je me savais prêt de la frontière, mais pas de celle-là.

Autoportrait

Pendant deux heures j'arpente les rues, je cherche les meilleurs angles, je profite de la lumière de la fin de journée. Malheureusement, le trépied est resté à la maison, et je finis par me décider à rentrer sans faire de photos de nuit. Lorsque je reprends la route, le soleil baisse doucement et se rapproche de l'horizon.

Arrivé à Perpignan, je choisis d'éviter l'autoroute. La nationale est presque vide, et personne ne m'attend. Je n'ai aucune raison de me dépêcher. Je suis tranquillement la nationale 9, puis la 113 tandis que le soleil atteint les sommets au loin, puis disparaît. Le compteur égraine les kilomètres, le ciel s'assombrit.

Lorsque j'entre dans Carcassonne, j'entrevois une tour de la forteresse qui se détache clairement sur un fond d'un bleu uni, profond. Et il est à peu près 22h, et je rage d'avoir oublié le pied à la maison. Tant pis, je m'arrête quand même et décide de tenter ma chance. Je ramasse un bâton en chemin et hâte le pas jusqu'à la citadelle. Peut-être que j'aurais du mal à avoir des photos nettes, mais je ne repartirai pas sans avoir essayé.

Les remparts de Carcassonne

Au pied des murailles, je m'installe et essaie de caler l'appareil sur une rambarde avec le bout de bois. Le résultat s'affiche sur l'écran, et la photo me semble réussie. Les couleurs sont magnifiques : les pierres tendent vers le jaune orangé sous les projecteurs, et contrastent avec le ciel d'un bleu superbe. Je commence alors à faire le tour de la cité, en posant l'appareil où je peux : sur un muret, un banc, une barrière...

Au bout de quelques clichés, j'arrive devant l'entrée de la cité, et constate qu'elle est encore ouverte. Je ne savais pas qu'on pouvait la visiter aussi tard. Jusqu'à présent, je n'étais venu que des 14 juillet, quand tout le monde doit quitter l'enceinte dès que l'obscurité se fait pour regarder le feu d'artifice. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas, on peut flâner tranquillement dans ses ruelles, et beaucoup de restaurants sont encore ouverts...

Avec mon matériel de fortune, je suis obligé de chercher des points d'appuis là où je peux, ce qui me pousse au final à choisir des cadrages auxquels je n'aurais pas pensé si j'avais pu poser mon reflex sur un pied, à hauteur d'oeil. Au ras du sol, depuis le toit d'une voiture, les gens semblent se demander ce que je fais accroupi lorsqu'ils passent à côté de moi. Finalement, il se passe une heure avant que je ne ressorte pour regagner la voiture.

Ravi de ne pas avoir pris l'autoroute qui m'aurait fait contourner la ville et d'avoir pu faire quelques clichés malgré tout, je reprends mon chemin, non sans m'arrêter encore pour reprendre la citadelle en photo dans son ensemble à deux reprises. En quittant Carcassonne, j'opte à nouveau pour la 113, qui m'a finalement bien réussi jusqu'ici. La nuit est noire, la route toujours aussi déserte. Bientôt, je serai de retour à la maison.

La cité de Carcassonne

Une journée pour rien. Une journée pour moi. Mais une journée bien remplie. Remplie d'images. De vide, de vent et de soleil. Des souvenirs plein la tête et la satisfaction d'avoir bien profité d'au moins une journée pendant ces vacances.