Ce qu'il y a de bien, quand on bosse dans l'informatique, c'est que dès qu'on a un profil un minimum recherché, il est relativement facile de décrocher des entretiens[1]. Mais là où ça devient intéressant, c'est lorsqu'on n'est pas vraiment en situation de recherche d'emploi. Parce que finalement, quand on n'a pas le couteau sous la gorge, qu'on n'est pas acculé, obligé d'accepter la moindre proposition, on peut se permettre un certain détachement très appréciable.

C'est ce qui m'arrive en ce moment, parce que j'ai eu le malheur de répondre à un mail d'un site spécialisé dans la recherche d'emploi dans le domaine de l'informatique. J'avais laissé mon CV chez eux du temps où j'étais étudiant en recherche de stage (ah le bon vieux temps...), et tous les ans, ils prennent la liberté de me signaler que je leur manque et qu'ils apprécieraient un petit bonjour de ma part.

C'est donc plein de bonnes intentions et avec pour seul but de rassurer les gérants de ce site sur l'utilité de leur travail que je m'empresse à chaque fois d'aller cliquer sur un lien ou deux pour réactiver mon profil, repoussant la date d'expiration de mon CV à l'année suivante, non sans mettre à jour, si l'envie m'en prend, une ou deux informations sur mon compte.

Or, si les demandeurs d'emplois peuvent paramétrer des alertes automatiques lorsque des offres sont déposées sur le site, il est évident que les recruteurs font de même avec les profils des candidats potentiels. Et dès que je tente de sauvegarder mon CV à peine modifié, toute une clique de recruteurs sursautent dans leurs bureaux en voyant le mail fatidique tomber dans leur boîte aux lettre électronique.

Parce que sans être un oiseau rare, j'ai tout de même l'avantage d'avoir franchi la première période d'essai à laquelle se heurtent beaucoup de nouveaux diplômés : les deux premières années d'expérience. Ah, on s'est élevé contre les CPE/CNE l'année dernière, avec leur période d'essai de deux ans, mais pour tout nouvel arrivant sur le marché de l'emploi, l'absence d'expérience est toute aussi handicapante, sinon plus.

Bref, j'ai franchi ce cap l'année dernière, ce qui m'a fait passer dans le camps des gibiers convoités par les chasseurs de têtes en tout genre. Et les coups de fils ont donc commencé à s'enchaîner. Mais là, croyez-moi, on voit de tout.

Il y a celui qui est intéressé par votre profil, mais là, maintenant, tout de suite, immédiatement. Apprenant que vous avez une période de préavis à donner de trois mois, le voilà qui vous propose alors, avec un grand sourire, la solution miracle : "Très bien, vous n'avez qu'à poser votre démission, et je vous recontacte dans trois mois." Bien sûr mon coco. Tu crois que je vais lâcher mon job comme ça, sans garantie d'avoir quelque chose après ? Ben voyons.

Et puis il y a celui qui vous contacte parce qu'il lui semble que vous correspondez à ce qu'il recherche, mais qui vous donne surtout l'impression qu'il est en train de chercher à vous déstabiliser, voire même à vous culpabiliser. Après une brêve revue de vos compétences, il s'amuse à vous questionner jusqu'à cerner clairement vos aptitudes, en vous accusant presque de mentir sur votre CV (le genre à souligner que vous avez dit avoir entendu parler de tel outil alors que vous ne l'avez jamais utilisé...). Poursuivant son interrogatoire, il s'attend à ce que vous lui serviez tout prêt sur un plateau l'argument qui va vous faire choisir son annonce, et vous agresse parce qu'il n'a pas droit à une réponse claire. Alors là mon gars, faut qu'on revoit les bases de la négociation :

  1. C'est toi qui m'appelle pour me proposer quelque chose, donc c'est un peu à toi de mon convaincre que tu m'intéresses.
  2. Puisque je t'ai dit que je n'étais pas en recherche "active", pourquoi est-ce que tu t'attends à ce que je te fournisse une proposition clé en main, plus qu'à signer et le tour est joué ? C'est toi le RH dans l'affaire, alors fais preuve d'un peu de psychologie...

Il faut croire que certains ne supportent pas de ne pas avoir l'ascendant sur les candidats.

Et puis il y a ceux aussi qui vous convoquent à des entretiens et ne vous donnent plus de nouvelles alors qu'ils devaient vous rappeler la semaine qui suit. Ceux qui vous certifient qu'ils vont vous recontacter pour fixer un entretien et qui semble vous avoir oublié aussitôt raccroché...

Bref, c'est varié. Mais bon, dans tout ça, s'il y a une chose qui me plaît, c'est le fait de pouvoir jouer le jeu de l'entretien sans avoir à me prendre la tête. Ca permet de ne pas trop perdre la main sur ce genre d'exercice sans s'exposer à de gros risques. Après tout, tout ce qu'on risque, c'est d'avoir droit à une proposition qui mérite réflexion. Et puis comme je ne suis pas forcément très doué au niveau négociations, c'est un petit plus qui s'apprécie.

C'était le cas hier soir, alors j'ai décidé de profiter de cet avantage que j'avais. Exit le costume-cravate pour l'entretien, j'y suis allé en jeans-baskets (c'est pas que ça me dérange, je le fais d'habitude, mais là, j'ai décidé de jouer le rebelle, enfin on se comprend, hein...). Pas de préparation avant d'aller là-bas, arrivé sans avance (j'aurais pris du retard que ça ne m'aurait même pas dérangé), bref, j'ai débarqué en touriste. Même pas impressionné par le commercial en face, zéro stress, les conditions idéales, quoi. Et ça facilite les choses. On est beaucoup plus à l'aise pour se présenter, parler de ses compétences, des ses qualités, de ses attentes, et finalement faire une meilleure impression que si je m'étais pointé encravaté et tendu comme un... ressort.

Et puis finalement, hasard du calendrier, j'ai mon entretien annuel avec mon manager la semaine prochaine. Au moins, là aussi, j'aurais quelque chose dans la balance pour renégocier mon salaire...

Notes

[1] Je sais, c'est d'une évidence affligeante ce que je viens de dire...