Depuis deux trois ans que je me suis mis à la photo, c’est marrant de constater de quelle façon ma façon de voir ou d’agir d’une manière générale en a été impactée, à tellement de niveaux différents. Il y a des changements plus ou moins normaux, comme le fait de prêter une plus grande attention aux images qui m’entourent : aujourd’hui, je ne peux pas regarder une photo dans un magazine sans m’interroger sur la façon dont son auteur a géré la lumière, sans regarder les ombres ou les reflets dans les yeux du modèle pour déterminer quelles sources d’éclairage ont été utilisées. Je ne peux plus regarder un film ou une vidéo quelconque sans admirer la maîtrise des couleurs, des lumières, sans remarquer le respect de la règle des tiers par le cadreur ou sans imaginer le filtre dégradé collé devant l’objectif des caméras des "Experts : Miami"…

Bref, mon œil est bien plus critique par rapport à toutes les images que je vois, mais il l’est aussi par rapport au monde qui m’entoure : même sans appareil dans les mains, je me prends à remarquer le superbe jeu de couleurs d’un paysage, la peau parfaite d’une personne que je croise sans la connaître, le subtil éclairage de la fenêtre dans le dos d’une personne avec qui je discute qui détoure son visage ou sa silhouette…

Pire encore : là ou je rêvais autrefois d’aller simplement écouter un artiste, je me prends aujourd’hui à espérer avoir un jour une accréditation pour le photographier pendant un de ses concerts. Comme si je cherchais à joindre la photo à tout ce que je fais. Quand j’imaginais autrefois pouvoir sortir avec une fille qui m’attirait, je me contente aujourd’hui d’envisager de lui proposer de faire quelques portraits.

En même temps, j’ai aussi le sentiment que ces objectifs sont plus atteignables pour moi, plus réalistes. Alors que j’étais en admiration devant certains musiciens dans le passé en n’osant imaginer les rencontrer un jour ou même jouer avec eux, je me félicite aujourd’hui d’en avoir ajouté certains dans mon portfolio. Voire même de rencontrer de plus en plus de groupes et de musiciens grâce à mes clichés. De la même façon, alors que je n’ai jamais été à l’aise pour aborder une fille qui me plaisait et apprendre à la connaître, je vois avec le recul que mon book contient les portraits de certaines demoiselles que j’avais autrefois remarquées sans savoir qui elles étaient.

Grâce à mes photos, j’ai rencontré du monde, passé du temps avec de nouvelles personnes… Il faut croire que mon appareil m’a aidé à me sociabiliser. Moi qui suis bien plus à l’aise pour écouter que pour parler, me voilà obligé de faire la conversation avec des modèles que je ne connais quasiment pas pendant que je leur tire le portrait. Moi qui préfère éviter de diriger, superviser ou être celui qui va devoir donner les ordres, me voilà coincé à devoir leur expliquer ce que j’attends d’eux. Mais j’ai encore du mal à appliquer tout ce que j’apprends lorsque je pose l’appareil. Il reste toujours bien plus facile pour moi de proposer à une amie de poser pour moi que de l’inviter à dîner.