Il y a de cela bien longtemps, les voitures n'existaient pas. Enfin si, elles existaient, mais les deux chevaux de l'époque carburaient à l'avoine et faisaient leur vidange toutes seules. Jusqu'à ce fameux jour de 1770 où Joseph s'est mis en colère et a confisqué la cocotte minute de sa femme. Parce qu'après 20 ans de mariage, il avait envie de manger enfin autre chose que de la raclette.

Seulement Joseph n'aimait pas le gaspillage. Et vu ce qu'il avait du débourser pour acheter cet autocuiseur de compétition à son pote Seb et l'offrir à son épouse pour leur dernier anniversaire de mariage, ça le dérangeait un peu de le laisser traîner dans un coin du garage, à côté de la charrette. Alors comme c'était aussi un sacré bricoleur, il chercha à faire quelque chose de l'autoclave sain.

Sa première tentative, qui consistait à le relier à une flûte de pan pour en faire un orgue automatique s'est soldée par un échec, le marché de la musique étant déjà saturé d'instruments à claviers (clavecins principalement, mais aussi le tout nouveau pianoforte à double pédale et pupitre intégré).

De dépit, Joseph commença à sombrer dans l'alcool, la drogue et le jeu. Tous les troisièmes samedi du mois, il allait acheter deux cartons à la tombola du village et passait la nuit à écouter les numéros, guettant la quine à chaque minute. Et bien qu'il n'eut jamais la chance de remporter le demi-cochon, ces soirées lui donnaient l'occasion de beaucoup réfléchir. Notamment aux inconvénients de cette énorme cage sphérique qui servait à tirer les numéros. Elle était tellement lourde qu'il fallait à chaque fois deux jours pour la monter et au moins trois personnes pour la faire tourner. Ce qui faisait chaque fois râler les habitants du village d'à-côté, parce qu'ils devaient attendre le week-end suivant pour l'utiliser pour leur propre tombola. C'est alors que l'idée germa dans l'esprit du génial Joseph :

- Pourquoi ne pas mettre au point un modèle plus petit, monté sur une charrette et entraîné par un système à vapeur ?

Il venait tout bonnement d'inventer le concept de loto mobile ! Ni une ni deux, il se met au travail. Délaissant la bouteille et les substances hallucinogènes (qui étaient assez chères aussi, faut le dire, ils abusent un peu ces hollandais), il travailla à fixer la marmite sur sa charrette, et la relia à la fameuse cage par un ingénieux système de courroies et de poulies.

Il ne remarqua cependant pas qu'il avait malencontreusement fait passer une des courroies autour d'un des essieux de la charrette, et alors qu'il avait rassemblé tous ses voisins dans son jardin pour une démonstration qu'il espérait convaincante, le situation vira au cocasse : la courroie entraîna la roue de la charrette qui se mit à avancer, désarçonnant Joseph qui évita la chute de justesse. Il ne put cependant pas empêcher son engin de démolir la clôture du voisin...

La suite de cette fabuleuse saga dans le prochain épisode...