Dans la Bible, on trouve toutes sortes d'individus, à qui il arrive toutes sortes d'histoires. Certains sont bons, d'autres mauvais, certains vivent des choses extraordinaires, d'autres passent presque inaperçus. Mais quelques soient ces personnages et ce qui a pu leur arriver, ils ont généralement toujours quelque chose à nous apprendre :

Ces choses leur sont arrivées pour servir d'exemples, et elles ont été écrites pour notre instruction, à nous qui sommes parvenus à la fin des siècles.
1 Corinthiens 10:11

Parmi toute cette galerie de personnages, il y en a un que j'aime bien, c'est celui de Jonas. Il faut dire que son histoire tient en peu de chapitres, mais elle est si riche que je suis à chaque fois étonné quand je relis ce livre de le trouver bien plus court que ce à quoi je m'attends. En moins d'une vingtaine de versets, il a eu le temps de recevoir un message de Dieu pour Ninive, de lui désobéir et de se retrouver dans le ventre d'un poisson[1]. Un court chapitre plus tard, le voilà de nouveau sur la terre ferme. Un de plus pour prêcher la repentance aux Ninivites et un dernier pour voir la grâce de Dieu et recevoir une ultime leçon de sa part, et voilà l'histoire terminée. 48 versets, en tout et pour tout.

Tous ceux qui connaissent cette histoire seront sûrement capable de citer plusieurs leçons importantes contenues dans ce livre :

  • La rédemption de Jonas, qui malgré sa désobéissance, retrouve son rôle de prophète envoyé vers un peuple rebelle,
  • La grâce et le pardon de Dieu accordés aux Ninivites après leur profonde repentance,
  • La souveraineté de Dieu dans ses choix, par rapport aux conceptions humaines,
  • Sa toute-puissance pour calmer une tempête, ou préserver son prophète au travers d'un poisson,
  • La préfiguration de Christ, sa mort et sa résurrection au bout de trois jours (Matth. 12:39-41)...

Et la liste pourrait sûrement continuer encore un moment. Mais il y a une autre leçon qui m'a interpellée la dernière fois que j'ai lu ce livre, et même simplement son premier chapitre. Dans ces quelques versets, on y voit Jonas recevoir l'appel de Dieu pour aller prêcher à Ninive et plutôt que d'obéir, le voilà qui fuit à l'opposé, en direction de Tarsis, et il faudra une intervention divine spectaculaire pour le ramener sur le bon chemin. Sur ce fameux bateau, le prophète rebelle s'est retrouvé en pleine tempête, à la merci d'une mer démontée au point de même mettre en danger les marins avec lesquels il voyageait, tout cela pour avoir défié Dieu en simplement refusant de délivrer un message. L'avertissement est particulièrement sérieux, à la hauteur des déclarations d'autres prophètes :

Car la désobéissance est aussi coupable que la divination, et la résistance ne l'est pas moins que l'idolâtrie et les théraphim.
1 Sam 15:23a

Jonas n'était absolument pas là où Dieu le voulait. Il était complètement à côté de la plaque, hors du plan de Dieu, de sa volonté, et bien en difficulté à cause de cela. Et non seulement lui, mais aussi tous ceux autour de lui. Pourtant, j'ai trouvé le résultat étonnant : après avoir été identifié comme responsable du danger qui menace le navire, Jonas est jeté à la mer et le calme revient miraculeusement. Un tel retournement de situation n'est pas sans interpeller les marins :

Ces hommes furent saisis d'une grande crainte de l'Éternel, et ils offrirent un sacrifice à l'Éternel, et firent des vœux.
Jonas 1:16

C'est ici que se termine la première étape du périple du prophète rebelle, et l'une des conclusions que l'on peut en tirer est surprenante : grâce à la désobéissance de Jonas, c'est tout un équipage qui a entendu parler de Dieu et s'est tourné vers lui ! Certes, cette conséquence a d'abord nécessité un changement d'attitude de Jonas. Il a fallu qu'il reconnaisse sa faute et en assume la responsabilité :

Il leur répondit: Prenez-moi, et jetez-moi dans la mer, et la mer se calmera envers vous; car je sais que c'est moi qui attire sur vous cette grande tempête.
Jonas 1:12

Sans repentance de sa part, l'histoire laisse entendre que la tempête aurait probablement empiré et peut-être entraîné le naufrage du navire et la mort de ses passagers. Mais et si Jonas avait obtempéré dès que Dieu lui avait parlé ? C'est un peu paradoxal à dire, mais s'il avait filé droit vers Ninive au lieu de prendre le large, à tous les sens du terme, les marins n'auraient jamais fait cette rencontre et ils n'auraient pas expérimenté la grâce divine de cette façon !

Est-ce à dire que Jonas a eu raison de désobéir ? Certainement pas, et Dieu lui a donné tout le loisir d'y réfléchir au fond de l'abîme avant de l'en retirer. D'ailleurs, il aurait probablement pu toucher le cœur des marins autrement si Jonas avait été plus docile. Il aurait bien pu envoyer vers ces matelots un autre prophète pour leur parler. Pourtant, n'est-ce pas extraordinaire de réaliser que Dieu, connaissant à l'avance la réaction de son prophète, savait comment utiliser même sa rébellion pour le salut d'autres hommes ? Même si cela ne justifie pas le comportement de Jonas, je suis toujours impressionné de voir comment Dieu utilise toutes sortes de circonstances pour amener ses plans à s'accomplir, en dépit de ceux qui cherchent à les contrecarrer, malgré tous les efforts qui peuvent être faits pour l'empêcher.

Un peu comme Judas, qui en trahissant Jésus, était complètement condamnable pour cet acte, mais accomplissait malgré lui les prophéties de l'Ancien Testament. Voire même comme Satan qui, en poussant les hommes à mettre à mort le Fils de Dieu, subissait pourtant sa défaite la plus absolue.

Maintenant du point de vue de Jonas, il y a aussi une leçon réciproque importante : si Dieu conduit les circonstances, c'est pour les amener à manifester sa gloire. Or en se présentant aux marins comme un serviteur de Dieu en fuite, Jonas était loin de contribuer à cela. Bien au contraire, le témoignage qu'il pouvait rendre n'était pas flatteur. Si nous sommes des "ambassadeurs" de l'Evangile, nous sommes ses représentants, ce qui implique que l'image que nous donnons aux gens qui nous entourent influence la façon dont ils perçoivent le message que nous portons, ainsi que son auteur.

Et Dieu ne tolérera pas que cette image le déshonore. Qui sait les conclusions que l'équipage avait pu tirer à propos de Jonas et de son Dieu ? Que pouvaient-ils penser d'un Dieu dont les prophètes fuient leurs responsabilités ? Etait-il si mauvais qu'il faisait peur à ses propres envoyés ? Etait-il si mal renseigné pour faire appel à un homme qui refuserait de lui obéir ? Ou si peu craint qu'il n'ait pas d'autre choix que de recourir à des serviteurs récalcitrants ? Nombreuses sont les questions qui ont pu leur traverser la tête. Mais Dieu n'aurait probablement pas pu toucher leur cœur en laissant subsister ces interrogations ou ces insinuations dans leur esprit. Quelle crédibilité aurait eu Jonas s'il avait décidé de les appeler à la repentance, lui dont ils savaient tous qu'il refusait de se soumettre à Dieu ?

Voilà pourquoi le salut de ces hommes passera par le châtiment de Jonas. C'est en manifestant sa justice vis-à-vis de celui qui se disait son prophète alors que sa conduite le déshonorait que le Dieu d'Israël a changé radicalement l'image qu'ils avaient pu se faire de l'Eternel. La fuite de Jonas aura peut-être été utile à Dieu pour atteindre un équipage, mais jamais il ne pourra se vanter de la part qu'il y a joué. Bien au contraire, il y a payé le prix de son indiscipline et l'humiliation qu'il a subie le poursuivra longtemps, au point qu'aujourd'hui encore, on en trouve la trace dans le livre qui porte son nom.

Voilà les deux vérités qui m'ont frappées cette fois-ci. Ce ne sont que deux aspects probablement minimes de l'histoire, des détails secondaires, mais je ne peux m'empêcher de méditer sur ces simples considérations, pourtant si lourdes de conséquences. Combien de fois Dieu a-t-il du agir malgré moi ? Combien de fois Dieu a-t-il du remédier à mes erreurs ou à ma désobéissance ? En relisant cette histoire, je ne peux que réaliser combien je suis facultatif entre les mains de Dieu.

Je me réjouis de ce que ses plans s'accomplissent toujours, et de ce qu'il est même capable de prendre en compte mes égarements pour cela. Mais s'il m'utilise, si mes mots ou mes gestes peuvent servir ses desseins, ce n'est pas parce qu'il a besoin de moi, mais bien parce qu'il l'a souverainement choisi. Même si rien ne m'oblige à me soumettre à sa volonté, il serait illusoire de croire que mes choix puissent lui faciliter la tâche ou lui mettre des bâtons dans les roues. Il me faut cependant garder à l'esprit que le seul objectif que Dieu me demande d'envisager, c'est sa gloire :

Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu.
1 Co 13:31

Si je l'oblige à accomplir sa parole à mon insu, je risque aussi de l'obliger à se démarquer de moi. Si ma conduite le déshonore, en dépit de tous les fruits que je pourrais essayer de m'attribuer, je devrais réaliser que tôt ou tard, c'est la correction de Dieu qui m'attend si je ne me repens pas rapidement pour lui rendre la gloire et l'honneur qu'il mérite. Que Dieu me donne d'être toujours attentif à sa voix et prompt à répondre à son appel, pour qu'il n'ait pas besoin un jour de me mettre à l'écart d'une œuvre qu'il aura accomplie malgré moi.

Notes

[1] Ou d'une baleine, d'un cachalot, d'un mégalodon... Peu importe ! Pour ce que j'en sais, le terme "poisson" a l'époque ne correspondait pas forcément à notre classification actuelle, la systématique moderne datant du XVIII° siècle. Avant cela, la classification d'Aristote par exemple classait les cétacés parmi les poissons et les chauves-souris parmi les oiseaux. D'où certains débats inutiles aujourd'hui à propos des mots utilisés par la Bible : il faut prendre en compte le sens que les mots avaient à l'époque plutôt que celui que nous leur donnons actuellement pour comprendre qu'il ne s'agit pas d'une erreur grossière de la part des auteurs bibliques (cf. par exemple Lév 11:13-19 qui inclut la chauve-souris parmi une liste d'oiseaux).