Papeu et Mamie

Un des inconvénients des grandes familles, c'est la difficulté qu'il y a à voir tout le monde régulièrement. Mais comme on dit souvent, les deux grands types d'occasions qui rassemblent tout le monde, ce sont les mariages et les enterrements. Cette semaine, c'était malheureusement le deuxième qui était à l'honneur, mais pourtant, perdu dans mes réflexions et toutes les pensées qui occupent l'esprit en de telles circonstances, je me suis surpris à méditer sur le lien étroit qui existe entre les deux.

Non pas que j'aille comparer le mariage à des funérailles (même si on y enterre traditionnellement sa vie de garçon ou de jeune fille) ! Ce qui dans mon esprit unissait ces deux types d'événements, c'est l'idée que l'un clôture l'autre. Ou plutôt « devrait », étant donné le nombre de personnes qui choisissent aujourd'hui une voie alternative en passant par le divorce. Et là, en voyant partir le cercueil qui emportait le corps de mon grand-père, je ne pouvais m'empêcher de penser à l'exemple magnifique que ma grand-mère et lui m'ont donné.

Pour beaucoup aujourd'hui, le mariage ressemble à un contrat précaire, romantique certes, mais renégociable en cas de tempête. Il est loin le temps où les époux devant M. le Maire mesuraient tout le poids de l'engagement qu'ils prenaient : "pour le meilleur et pour le pire... dans la santé comme la maladie... jusqu'à ce que la mort vous sépare... " Aujourd'hui, on réfléchit surtout avant de confirmer qu'il n'y a pas de contrat de mariage. Des fois que... sait-on jamais...

Et puis à l'opposé, ceux qui accordent encore à cet engagement sa vraie valeur en sont tellement intimidés qu'ils se sentent prêts à envisager la vie commune, l'achat d'une maison à deux ou même les enfants avant de se sentir prêts à passer la bague au doigt de la personne qui partage déjà leur vie. Comme si la possibilité d'être à la hauteur leur semblait trop difficile, et l'éventualité d'un échec trop insupportable.

Certes, le mariage n'est pas chose facile. Je ne crois pas connaître de couple qui puisse me dire qu'ils n'ont jamais connu de remous, mais lorsque je vois les 60 ans que mes grand-parents ont passé ensembles, envers et contre-tout, malgré la maladie, l'âge et les problèmes variés qu'ils ont rencontrés, je me dis que ce n'est pas à la légère que Dieu l'a institué.

Quand j'entends ma grand-mère me rappeler à quel point ils ont pu être proches, comment elle a voulu l'avoir à ses côtés jusqu'au bout, être près de lui et prendre soin de lui jusqu'à son dernier soupir malgré la difficulté de la tâche[1], je saisis un peu mieux la portée du fameux verset que l'on rappelle dans chaque église aux jeunes mariés :

C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair.
Gen 2:24

Non plus deux vies, deux destins isolés qui se croisent, mais bien un couple, un ensemble indivisible que seule la mort pourra à nouveau séparer.

Seulement ce qui m'a aussi marqué dans la vie des mes grand-parents, c'est ce qui leur a donné la force d'aller jusqu'au bout de cet engagement. Ce sont ces matins où, pour peu que je fasse l'effort de me lever un peu tôt lorsque je restais chez eux [2], je savais que j'allais les trouver tous les deux autour de la table, à méditer un passage biblique et prier ensemble.

Ce qui a fait la force de leur attachement, ce qui a cimenté leur union, c'est l'amour que Dieu leur a communiqué. C'est parce qu'ils ont tous les deux basé leur vie commune comme individuelle sur la Parole de Dieu que rien n'a pu faire vaciller la flamme pendant toutes ces années. Pour pouvoir partager avec l'autre un amour véritable, sincère, désintéressé, absolu, il faut avant tout en avoir fait l'expérience auprès de celui qui est à la source même de l'amour.

Ce n'est qu'en découvrant toute la grandeur de l'amour que Dieu nous témoigné en offrant sa vie en sacrifice pour nous sauver que l'on peut réaliser ce qui se cache réellement derrière ce mot. C'est en ouvrant les yeux sur tout ce que représente la croix de Christ que l'on comprend ce que Paul sous-entend en s'adressant aux Ephésiens de la sorte :

Maris, aimez vos femmes, comme Christ a aimé l'Eglise, et s'est livré lui-même pour elle.
Eph 5:1

Il faut avoir reçu pour pouvoir à son tour donner.

Aujourd'hui, mon grand-père s'en est allé auprès du Père, mais l'image qu'il me laisse me donne plus que jamais envie de lui ressembler : l'image d'un homme doux et gentil, généreux et profondément attaché à Dieu.

Et tous les deux, ils ont su vivre au jour le jour ce à quoi Dieu appelle chaque couple. Ensembles, ils m'ont donné envie de rêver de la même chose.

Notes

[1] Ceux qui connaissent bien la maladie d’Alzheimer comprendront ce que je veux dire

[2] Ce qui n'a jamais été vraiment évident pour moi...