Laodicée... pas fantastique
Par Spica le Mardi 05 avril 2011, 01:11 - Je pense donc j'écris - Lien permanent
Ecris à l'ange de l'Eglise de Laodicée: Voici ce que dit l'Amen, le témoin fidèle et véritable, le commencement de la création de Dieu : Je connais tes oeuvres. Je sais que tu n'es ni froid ni bouillant. Puisses-tu être froid ou bouillant ! Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n'es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche.
Apoc 3:14-16
Lorsque je relis ce texte, et spécialement ce dernier verset, il a toujours un impact particulier pour moi. C'est au travers de ce verset que Dieu a touché mon cœur et m'a amené un jour au pied du mur avec un choix clair à faire : bien que j'ai quasiment « grandi dans l’Église », il fallait que je choisisse entre lui et le monde, entre servir Dieu de tout mon cœur, ou faire ma vie sans lui. Il n'y avait pas d'autre alternative possible.
Depuis, j'ai entendu à quelques occasions des prédicateurs citer ces versets, et l'une des interprétations que j'ai le plus fréquemment entendue concernant ces versets associait la « température » du chrétien à son zèle pour Dieu, son niveau d'engagement pour le Seigneur. Ceux qui sont tièdes sont donc à mi-chemin entre les bouillants (zélés pour Dieu) et les froids (ceux qui vivent sans Dieu, loin de lui, autrement dit les païens). Et ce qui fait que leur situation est pire que celle des deux autres, c'est que non seulement ils ne sont pas vraiment engagés avec Dieu comme les bouillants, mais ils ne sont même pas conscients de leur état, contrairement aux froids qui, eux, savent bien qu'ils sont éloignés de Dieu. Leur malheur vient donc de cette fausse sécurité qu'ils ont en se croyant à l'abri alors que Dieu n'accepte pas leur situation actuelle.
Il y a certainement du vrai là-dedans. Après tout, le Seigneur a bien dit que Tyr et Sidon, deux villes païennes, seraient traitées moins durement au jour du jugement que Bethsaïda et Chorazin, et que Sodome serait traitée moins durement que Capernaüm, parce qu'elles ne se sont pas repenties malgré tous les miracles qui s'y sont produits (Matth 11:20-24). Mais c'est un autre enseignement que je voudrais tirer de ce texte aujourd'hui, en tenant compte du reste de cette lettre :
Parce que tu dis : Je suis riche, je me suis enrichi, et je n'ai besoin de rien, et parce que tu ne sais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu, je te conseille d'acheter de moi de l'or éprouvé par le feu, afin que tu deviennes riche, et des vêtements blancs, afin que tu sois vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse pas, et un collyre pour oindre tes yeux, afin que tu voies.
Moi, je reprends et je châtie tous ceux que j'aime. Aie donc du zèle, et repens-toi.
Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi.
Celui qui vaincra, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône, comme moi j'ai vaincu et me suis assis avec mon Père sur son trône.
Que celui qui a des oreilles entende ce que l'Esprit dit aux Églises !
Apoc 3:17-22
Mais avant d'essayer de l'interpréter, posons-nous une petite question : que savons-nous de Laodicée ?
Laodicée est une ville d'Asie mineure (l'actuelle Turquie), pas très loin de Colosse et de Hiérapolis.
Ce qu'on sait de l'église qui s'y trouvait, c'est qu'elle fait partie des églises que Paul portait dans son cœur et pour lesquelles il priait sans pourtant y avoir été lui-même (Col 2:1). D'après Col 1:7 et Col 4:12-13, on peut supposer que c'est plutôt son compagnon de service Epaphras qui a fondé les églises à Colosse, Laodicée et Hiérapolis (la tradition dit que Paul y a tout de même séjourné plus tard). Paul leur a cependant adressé une lettre, qui s'est peut-être perdue, (à moins qu'il ne s'agisse de l'épître aux Ephésiens qui devait circuler dans toutes les églises), et signale que les lettres aux Colossiens et aux Laodicéens avaient chacune vocation à être lue dans les deux églises :
Lorsque cette lettre aura été lue chez vous, faites en sorte qu'elle soit aussi lue dans l'Eglise des Laodicéens, et que vous lisiez à votre tour celle qui vous arrivera de Laodicée.
Col 4:16
Fondée en 250 avant JC par le roi Antiochus II, la ville a été peuplé de Juifs et de Syriens qu'il a déportés de Babylone. Bien située dans la vallée du Lycus, à proximité du fleuve, elle est devenu le centre commercial le plus riche et le plus important de la région. Elle était notamment réputée pour :
- ses banques et son commerce florissant,
- son industrie textile (en particulier la laine noire brillante de ses moutons utilisée pour faire des vêtements et des tapis),
- sa médecine, avec sa faculté et ses fameux baumes pour les yeux (la « pierre » ou « poudre phrygienne »).
Enfin la ville était connue pour avoir des problèmes notoires d'approvisionnement en eau : alors que Hiérapolis avait des sources d'eaux chaudes, réputées pour leurs effets thérapeutiques, et que l'eau de Colosse, froide et pure, alimentait la ville en eau potable, Laodicée a été obligée de construire un aqueduc souterrain pour acheminer l'eau chaude de Hiérapolis jusqu'à Laodicée. Or non seulement l'eau riche en calcaire amenait régulièrement les canalisations à se boucher, obligeant à intervenir régulièrement pour les nettoyer, mais après avoir circulé dans ces canalisations, elle finissait par arriver tiède et nauséeuse en ville. Certains disaient même que la qualité de l'eau de Laodicée était son caractère « émétique » (qui fait vomir) : l'eau avait pour certains une réputation de vomitif !
En fait, cette ville constituait à elle seule une sorte de paradoxe, qui se retrouve dans la fameuse lettre de l'apocalypse.
- D'un côté, elle jouissait d'une position stratégique, sur une route commerciale importante à l'époque, qui avait favorisé ses affaires et son essor économique. La ville se targuait d'une telle richesse qu'elle s'était reconstruite à plusieurs reprises sans aide extérieure après avoir été ébranlée par des tremblements de terre en 17 et en 60. La cité se serait même permise de refuser l'aide impériale sous Néron (Tacite, Annales, 14,27,1) : « ek ton idiôn » (« par nos propres forces ») était la devise à Laodicée que l'on retrouvait sur de nombreux bâtiments.
- De l'autre, sa situation géographique, qui l'avantageait économiquement était aussi son talon d'Achille puisqu'elle la privait d'une ressource vitale et la mettait à la merci de n'importe quelle attaque : en cas de siège, il suffisait à une armée de couper l'aqueduc pour priver la ville d'eau et l'amener à se rendre rapidement. Ce qui avait aussi poussé la ville a entretenir de bonnes relations avec tous ses voisins, évitant d'irriter l'un ou de provoquer l'autre, préférant multiplier les ententes amiables et les compromis...
Quand on considère tous ces éléments, ce qui saute immanquablement aux yeux, c'est le nombre de parallèle entre la situation de cette cité et la condition de l'église qui s'y trouve, telle que décrite par le Seigneur dans la fameuse lettre. D'ailleurs, cette lettre se démarque aussi d'une manière peu flatteuse des autres : contrairement aux lettres adressées aux églises précédentes, qui contiennent d'abord quelques mots d'approbation avant de passer aux mises en garde, celle-ci ne contient aucune éloge, seulement des reproches et des encouragements à un changement de cap indispensable.
Au final, ce qui ressort lorsqu'on étudie le contexte historique et géographique de la cité de Laodicée, c'est que l'on réalise à quelle point son église s'est laissée envahir par la mentalité de la ville. A l'image de sa devise, Laodicée était une ville orgueilleuse. Elle se vantait de n'avoir besoin de l'aide de personne, de pouvoir faire face à toutes les situations par ses propres forces. Mais la réalité était moins glorieuse : en choisissant cet emplacement, les citoyens de la ville avait privilégié les opportunités commerciales, la renommée, la gloire, les richesses. Mais ce choix s'était fait au détriment d'un point accès à l'eau, comme ses voisines.
Là aussi, Laodicée a préféré s'appuyer sur ses propres forces en amenant l'eau artificiellement à la ville, plutôt que de s'établir là où étaient les sources. Mais le résultat était calamiteux : tout ce qu'elle avait obtenu, c'était une eau imbuvable, acheminée par des réseaux de canalisations fragiles, nécessitant un entretien constant et probablement coûteux. En résumé, dans cette lettre, Dieu fait donc le procès de cette communauté en l'illustrant d'images tirées de l'environnement dans lequel elle vit pour aboutir au reproche principal que l'on pouvait adresser à cette ville : son orgueil. Dans sa fierté, l'église de Laodicée se croit riche et pense jouir d'un confort certain, mais le bilan divin est bien moins flatteur : l'orgueil n'a pas sa place dans le corps de Christ. Il est bien plus un signe de déclin ou de manque de maturité :
Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes ; et Dieu a choisi les choses viles du monde et celles qu'on méprise, celles qui ne sont point, pour réduire à néant celles qui sont, afin que nulle chair ne se glorifie devant Dieu.
1 Co 1:27-29
Heureusement, le constat que dresse l'Eternel n'est pas pour autant une condamnation définitive ! Lorsque Dieu reprend, ce n'est pas pour le plaisir de détruire et d'enfoncer, mais bien au contraire dans le but d'éduquer et d'édifier. Comme le dit Jérémie :
Car ce n'est pas volontiers qu'il humilie Et qu'il afflige les enfants des hommes.
Lamentations 3:33
La réprimande est d'ailleurs associée à la fin de la lettre à l'amour : si Dieu critique et reprend l'église, c'est parce qu'il l'aime. Les remontrances ne sont pas gratuites, elles sont surtout associées à un appel à la repentance, pour le bien de qui les acceptent. En dénonçant l'autosuffisance de cette assemblée, le Seigneur cherche à lui ouvrir les yeux sur sa condition réelle et a la ramener sur la bonne voie.
Pour terminer cette lettre, un dernier élément est relativement frappant : c'est l'attitude avec laquelle le Seigneur termine son message. « Je me tiens à la porte et je frappe... » : voilà qui est choquant quand on pense que Dieu s'adresse non pas à des inconvertis mais à une église ! Dieu reste à l'extérieur ! A force de s'appuyer sur ses propres forces, de prétendre n'avoir besoin de personne, c'est l'Eternel lui-même qui a fini par être mis à la porte de l'église !
Et pourtant, Dieu répond encore et toujours avec douceur : bien qu'il se présente dans la lettre précédente, adressée à l'église de Philadelphie, comme "celui qui a la clef de David, celui qui ouvre, et personne ne fermera, celui qui ferme, et personne n'ouvrira", il montre ici qu'il ne force pas pour autant l'entrée, il attend patiemment que quelqu'un vienne lui ouvrir. Dieu ne s'impose jamais dans nos vies. Il demande, il encourage, il reprend, mais il nous laisse toujours libres d'accepter ou de refuser ses paroles. A nous de décider si nous voulons le laisser entrer et nous aider à faire le ménage dans notre vie ou au contraire si nous préférons le laisser sur le pas de la porte, en dédaignant ses remarques pleines d'amour.
Commentaires
bon je suis en train de vivre une immense frustration (oui, au moins). Je suis tombée sur un de tes articles d'octobre 2006 concernant un article sur Presse-Citron, et je voulais donc apporter ma pierre à l'édifice en y laissant un commentaire et malheureusement, apparemment, il n'est plus possible de laisser de commentaires sur cette page, voilà, ça fait donc maintenant 15 minutes que j'ai tout tenté pour pouvoir laisser un commentaire sur cet article précis, j'ai réactualisé la page, changé d'explorateur, tapé ma tête contre les murs, enfin bref, du coup, je poste ce commentaire ici alors que ça n'a plus rien à voir et que j'ai totalement perdu le fil de ma pensée. Bref, au final, ce commentaire qui à la base partait d'une bonne intention n'a plus aucun sens ni aucun intérêt, pardon.
Effectivement, ton commentaire ici est un peu hors-sujet... En même temps, je crois avoir retrouvé le post dont tu parles, et pour une raison que j'ignore, les commentaires y étaient fermés. Je sais pas (ou plus, si c'est moi qui l'ai fait volontairement) pourquoi les commentaires y étaient désactivés, mais je les ai rouverts si tu veux y retourner.
Mais vu le sujet du billet en question, je suis en train de me demander si tu n'est pas simplement en train de chercher du traffic... :-p