Dans le langage courant, être libre, c'est avoir la possibilité de faire ce qui nous plaît sans rencontrer d'opposition, ne pas avoir de contraintes. C'est le sens que l'on trouve dans la Déclaration des Droits de l'Homme de notre pays : « Tous les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits... » La liberté, c'est le fait de pouvoir choisir pour soi-même sans entraves.

Dans la parole de Dieu, la notion de liberté est surtout définie par opposition à l'esclavage, à la soumission à quelqu'un ou quelque chose qui aurait un droit, une emprise sur nous. Comme dit Pierre :

Chacun est esclave de ce qui a triomphé de lui.
2 Pierre 2:19b

Ainsi, la liberté selon la Bible, c'est le fait de ne plus être esclave de qui ou quoi que ce soit. Or, contrairement à ce que pourrait laisser penser la vision populaire, et même ce que prétend notre Déclaration des Droits de l'Homme, la condition naturelle de l'homme, ce n'est pas la liberté ! Selon la Bible, tout homme, depuis la chute d'Adam et Eve, naît esclave. Esclave du péché, esclave de la chair, et il n'y a que Christ qui puisse briser ces chaînes.

Si donc le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres.
Jean 8:36

Seul le sacrifice de Christ à la croix a le pouvoir de libérer l'homme de cette servitude. Par notre nature pécheresse, nous ne pouvions connaître la véritable liberté, celle qui nous permet de faire le bien et de vivre conformément au plan que Dieu avait pour nous. Sans l'intervention du Sauveur, nous ne pouvions que nous retrouver dans les mots de l'apôtre Paul :

 Car je prends plaisir à la loi de Dieu, selon l'homme intérieur ; mais je vois dans mes membres une autre loi, qui lutte contre la loi de mon entendement, et qui me rend captif de la loi du péché, qui est dans mes membres.
Rom 7:22-23

Or non seulement Christ nous a libérés de l'emprise du péché, mais il nous a aussi libérés de la soumission à la Loi, qui, de concert avec le péché, nous plaçait sous un joug que nous étions incapables de porter. Ainsi, celui qui est en Christ est "une nouvelle création" (2 Co 5:17), affranchie de "l'acte dont les ordonnances nous condamnaient" (Col 2:14). Alors que par nature, sans Dieu, nous étions condamnés car incapables de nous soumettre à sa Loi, Jésus-Christ nous a rendus libres non seulement par rapport au péché qui nous enchaînait mais il nous a aussi affranchis du poids de la Loi en nous permettant de connaître le salut par sa grâce seulement, au travers de la foi :

 L'homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la loi
Rom 3:28

Par conséquent, nous ne sommes plus soumis aux ordonnances de la Loi de Moïse, qui a perdu la puissance de condamnation qu'elle exerçait sur nous :

 Que personne donc ne vous juge au sujet du manger ou du boire, ou au sujet d'une fête, d'une nouvelle lune, ou des sabbats : c'était l'ombre des choses à venir, mais le corps est en Christ.
Col 2:16-17

Aujourd'hui, le croyant qui ne marche plus selon la chair mais selon l'esprit marche aussi dans la liberté, car "là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté" (2 Co 3:17). Les contraintes ont disparu et la liberté originelle que Dieu avait donnée à l'homme lors de sa création est restaurée. Seulement l'apôtre rappelle aussi toute la responsabilité qui est associée à cette condition :

 Frères, vous avez été appelés à la liberté, seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte de vivre selon la chair...
Gal 5:13a

En effet, vivre selon la chair, ce serait retourner au péché, se soumettre à nouveau à lui et à son emprise. C'est pourquoi l'apôtre a précisé quelques versets plus haut :

 C'est pour la liberté que Christ nous a affranchis. Demeurez donc fermes, et ne vous laissez pas mettre de nouveau sous le joug de la servitude. Gal 5:1

Le message transmis par Paul dans ses épîtres, mais aussi par les autres apôtres ou par le Seigneur lui-même au travers des récits des évangélistes, c'est donc que Christ nous libère totalement, d'une manière qui dépasse ce que ce monde peut envisager, et que le chrétien est appelé à chérir et préserver cette liberté. C'est la même idée qu'il a exposée aux Corinthiens :

 Tout m'est permis, mais tout n'est pas utile ; tout m'est permis, mais je ne me laisserai asservir par quoi que ce soit.
1 Co 6:12

Mais Paul conjugue pourtant cette pensée avec un conseil étonnant. La fin de Gal 5:13 complète la pensée de l'auteur par ces mots :

… mais par amour, soyez serviteurs [litt. "servez comme si vous étiez esclaves"] les uns des autres.

Voilà la pensée qu'il développe notamment (mais pas seulement) dans les chapitres 8 à 10 de sa première épître aux Corinthiens : si nous ne sommes plus guidés aujourd'hui par un ensemble de prescriptions et d'interdictions, notre conduite trouve un nouveau guide qui doit être l'amour. Ainsi, même si nous sommes libres à l'égard de tout et de tous, l'amour qui brûle dans nos cœurs, à la fois pour le Seigneur, mais aussi pour nos frères et sœurs ou même pour ceux qui se perdent, doit nous pousser à user de cette liberté avec sagesse, d'une manière qui glorifiera Dieu et contribuera au salut des âmes et à l'édification de l’Église.

On trouve alors dans cette pensée toute la force de la réponse de Paul aux slogans des Corinthiens : "tout m'est permis", certes, mais tout n'est pas utile, et tout n'édifie pas. S'il n'est plus nécessaire de se poser la question de savoir si tel ou tel comportement est autorisé par Dieu, l'amour doit nous guider dans nos choix, et paradoxalement, cet amour va nous pousser dans certains cas à poser des limites à notre liberté.

Des limites par rapport au péché, bien évidemment, puisque l'amour pour Dieu n'est pas compatible avec l'amour du monde (Jac 4:4) ou l'affection de la chair (Rom 8:7). Mais Paul va même plus loin dans son exposé : par amour pour son prochain, le chrétien peut être amené à renoncer à certains droits et à certaines libertés.

Il en a lui-même donné l'exemple au travers de son ministère : bien qu'il jouisse de certains droits vis-à-vis des Corinthiens, à cause du travail d'évangélisation qu'il a fait chez eux, il a préféré renoncer à la plupart d'entre eux pour ne pas "créer d'obstacle à l’Évangile de Christ" (1 Co 9:12). Plutôt que de défendre ses prérogatives, il a choisi de les délaisser pour pouvoir atteindre et sauver plus d'âmes :

 Car, bien que je sois libre à l'égard de tous, je me suis rendu le serviteur [litt. "esclave" ici aussi] de tous, afin de gagner le plus grand nombre. 1 Co 9:19

Son expérience personnelle est une illustration pratique du principe qu'il essaie d'inculquer à cette église qui cherche ses repères. L'ensemble du chapitre, qui montre le modèle qu'a été Paul auprès des Corinthiens, vient donc appuyer l'argumentation qu'il a entamée au chapitre précédent et qu'il poursuit au suivant, où il traite particulièrement du cas des viandes sacrifiées aux idoles.

Conformément à la pleine liberté dont jouit l'enfant de Dieu, rien n'interdit au croyant de manger de la viande, qu'elle ait été sacrifiée ou non. Elle n'est qu'un aliment en soi, et pour autant qu'on ne lui accorde pas d'autre signification soi-même, elle n'apportera ou n'enlèvera rien à la foi de celui qui la consomme. Mais comme le fait remarquer Paul, ce n'est pas aux yeux du croyant dont la foi est affermie que cet aliment représente quelque chose mais aux yeux des autres : soit pour le frère dont la foi est plus faible et qui n'a pas la même connaissance, soit pour l'inconverti qui verra la participation au repas comme un symbole de communion au culte qu'il rend à ses idoles par ces aliments consacrés.

La conduite du chrétien, dans cette situation, ne relève alors plus seulement de sa propre liberté devant Dieu et vis-à-vis de sa conscience, mais va faire passer un message qui pourrait être perçu d'une manière erronée.

 Et ainsi le faible périra par ta connaissance, le frère pour lequel Christ est mort ! 1 Co 8:11

Devant un tel risque, c'est encore l'amour qui doit prévaloir sur la liberté. Le croyant aura donc intérêt à s'abstenir de ces choses pour ne pas courir le risque de faire chuter son frère ou pour témoigner clairement de son désir de rester pur devant Dieu en s'abstenant de ce qui pourrait l'associer au culte des idoles, quand bien même l'acte en lui-même n'aurait rien de répréhensible devant Dieu.

Au travers de ce cas particulier, Paul enseigne donc une leçon avec une portée bien plus grande, que ce soit pour les Corinthiens à l'époque ou pour nous aujourd'hui qui n'avons plus vraiment à acheter de la viande sacrifiée dans le temple de Jupiter ou d'un autre. De manière équivalente, le principe qu'il énonce pourra s'appliquer pour nous à n'importe quel domaine de notre vie. A l'intérieur comme à l'extérieur de l’Église, devant les frères ou devant les païens, Dieu attend de nous de la sagesse dans la façon dont nous usons de la liberté parfaite qu'il nous a si chèrement acquise à la croix.

Comme il l'explique plus loin au chapitre 13 de cette épître, « le plus important, c'est l'amour ». Quoi que nous fassions, quelle que soit la situation, l'amour que Dieu a répandu dans nos cœurs doit donc guider nos choix et notre façon d'agir devant les hommes pour n'être une pierre d'achoppement pour personne. Finalement, plus qu'un ensemble de lois et d'ordonnances, le chrétien fidèle s'appliquera à vivre sa liberté en mettant en pratique cette simple mais profonde vérité :

Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu.
1 Co 10:31