Je lisais il y a quelques temps toute une série de billets particulièrement intéressants sur le blog de John MacArthur sur le thème de la contextualisation et de la façon dont l'église actuelle est amenée à adapter son message à sa culture. Et j'ai notamment beaucoup apprécié sa façon d'expliquer comment beaucoup détournent le célèbre verset de l'apôtre Paul pour le faire coller avec leur vision :

Car, bien que je sois libre à l'égard de tous, je me suis rendu le serviteur de tous, afin de gagner le plus grand nombre. Avec les Juifs, j'ai été comme Juif, afin de gagner les Juifs; avec ceux qui sont sous la loi, comme sous la loi (quoique je ne sois pas moi-même sous la loi), afin de gagner ceux qui sont sous la loi ; avec ceux qui sont sans loi, comme sans loi (quoique je ne sois point sans la loi de Dieu, étant sous la loi de Christ), afin de gagner ceux qui sont sans loi. J'ai été faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d'en sauver de toute manière quelques-uns. Je fais tout à cause de l'Évangile, afin d'y avoir part.
1Co 9:19-23

Pour résumer (pour les non-anglophones, parce que pour les autres, il vaut mieux aller lire directement ses explications, qui seront bien meilleures que les miennes), il semble que beaucoup aujourd'hui utilisent ces paroles de Paul pour justifier le fait que les chrétiens devraient chercher à s'adapter à la culture, à s'y intégrer pour arriver à communiquer efficacement le message de l'évangile. Concrètement, cela peut se traduire par le fait d'avoir des bâtiments modernes, avec des équipements à la pointe de la technologie : une sonorisation digne du Zénith, des éclairages qui rivalisent avec les plus grandes salles de concerts, des moyens informatiques et vidéo que nous envieraient des conférenciers internationaux... Cela se manifeste aussi par de la musique moderne, des orateurs branchés, et même toutes sortes de "ministères" et d'activités annexes au sein de l'église sans rapport direct avec le culte : salles de sport, sorties pour célibataires, parcs d'attractions, clubs de motards, voire même camps nudistes chrétiens (si si, il paraît que ça existe, mais je n'ai pas spécialement envie de vérifier...). Bref, des gens qui "se font tout à tous" dans l'espoir de pouvoir plus facilement atteindre le cœur de leurs contemporains. Sauf que si on y regarde plus précisément, ce n'est pas tout à fait ce que disait Paul : pour lui, il est plus question de volontairement poser des limites à sa liberté afin de ne pas choquer ceux qu'il évangélise, plutôt que d'entrer dans le moule de la société qu'il côtoie, car nulle part je ne le vois participer aux orgies romaines pour faciliter son travail de prédicateur.

Bref, sans refaire toute l'argumentation de ces billets, il semble qu'aujourd'hui, la vision que nous avons en terme d'ecclésiologie[1] et de missiologie[2] a beaucoup changé par rapport aux temps de l'église apostolique. Sans être un expert dans ces domaines, j'ai trouvé dans le Nouveau Testament principalement deux contextes d'évangélisations :

  • lorsqu'un apôtre ou un évangéliste arrivait dans une nouvelle ville où il n'existait pas encore d'église, il allait au devant des gens pour leur prêcher l'Evangile. On voit notamment Paul aller dans les synagogues mais aussi sur les places publiques comme à l'aréopage pour prêcher lorsqu'il arrive dans une nouvelle ville (cf. Actes 17 par exemple à Thessalonique, Bérée ou Athènes).
  • Mais lorsqu'une communauté était implantée, c'est surtout au travers des témoignages de ses membres qu'elle grandissait (Actes 2:46-47).

Il est vrai que le livre des Actes nous montre que les chrétiens de l'époque ne se contentaient pas de prier ensemble, mais qu'ils mettaient en pratique l'amour qu'ils professaient en pourvoyant par exemple aux besoins des veuves et des plus démunis (Actes 6, 1 Tim 5:16, Jacques 1:27). Cependant l'impression générale que j'ai lorsque je lis les Actes des Apôtres ou les épîtres de Paul, c'est que les rassemblements de l'église avaient pour but la prière, l'adoration et l'enseignement, sur un modèle finalement assez proche de celui de la synagogue que connaissaient les Juifs avant leur conversion. Ceux qui se joignaient aux réunions du groupe le faisaient alors pour prendre part à ces activités en toute connaissance de cause. En s'adressant aux Corinthiens, Paul aborde d'ailleurs "l'éventualité" que des inconvertis pénètre dans l'église, et ce qui le préoccupe, ce n'est pas l'image que ces hommes pourraient avoir de l'église, mais l'efficacité immédiate du message qu'ils entendront (1Co 14:23-25).

Pourquoi alors a-t-on peur aujourd'hui que les inconvertis que l'on invite à l'église ne soient choqués ou tout simplement n'accrochent pas ? Parce qu'on les y invitent pour de mauvaises raisons ! Certains chrétiens lorsqu'ils invitent des gens, le font avec toutes sortes de prétextes : ils proposent de venir voir comment ça se passe "par curiosité", ou pour participer à un événement particulier (concert, spectacle, orateur exceptionnel...) et se reposent ensuite sur l'église en général, et le pasteur en particulier (ou d'autres chrétiens) pour partager avec leurs amis le message du salut à leur place. Les personnes qu'ils amènent ne savent finalement pas vraiment pourquoi elles sont là, et si l'église les choque, si elle ne les séduit pas, alors c'est elle que l'on blâme pour avoir réduit à néant les efforts de ces braves chrétiens qui ont au moins le mérite de faire partie de cette minorité de croyants à avoir amené quelqu'un à l'église.

Mais est-ce que ce n'est pas là justement que se trouve le problème ? Lorsqu'un chrétien invite quelqu'un à l'église pour autre chose que pour venir écouter le message de la Parole de Dieu, il se décharge en quelques sortes de sa propre responsabilité de témoin de Christ : c'est à lui premièrement de parler du Seigneur à son entourage, c'est à lui de partager son expérience et sa foi avec les gens qu'il côtoie. C'est vrai qu'il y a plus de chances qu'un ami ou un collègue accepte une invitation dans une église si on lui propose d'y assister à un concert plutôt qu'à un sermon. Mais on ne marque pas des points à chaque fois qu'on réussit à faire franchir le seuil du bâtiment à quelqu'un !

Entendons-nous bien : je n'ai rien contre les concerts d'évangélisation, les one-man-shows ou les spectacles de marionnettes. En soi, c'est une bonne chose que certains puissent exploiter toute l'étendue de leurs talents pour annoncer le message de l'évangile. Mais peut-être que ces efforts d'évangélisation aurait justement plus leur place à l'extérieur de l'église qu'à l'intérieur : quitte à faire quelques pas en direction de ceux qui ne connaissent pas Christ, en cherchant à mettre à leur portée la bonne nouvelle de Christ, autant pousser la démarche jusqu'au bout en allant réellement au-devant d'eux, plutôt que de nous cacher dans ce bâtiment ou quelques chrétiens inviteront timidement leurs connaissances en espérant que le message ne sera pas trop brutal, pas trop explicite pour ne pas froisser les sensibilités !

Si la crainte d'être pris pour des fous par des non-croyants en entendant des gens parler en langue dans l'église est légitime, comme le fait remarquer Paul, il la limite cependant à des hommes qui surviendraient dans l'assemblée sans raison apparente, et surtout il met l'accent sur l'inintelligibilité du message : ce qui gêne l'apôtre, ce n'est pas la perception qu'ils auront de l'église mais le fait qu'ils ne comprennent pas ce qu'ils entendent. La clarté du message a toujours été le but principal de l'apôtre : jamais il n'a cherché à le déguiser pour mieux le faire passer auprès des païens.

Notes

[1] Tout ce qui concerne la fonction, la vie, l'organisation de l'église

[2] Notre vision de la mission, de l'évangélisation