Il y a une série télé pas très connue (à part pour les couche-tard) qui me fait beaucoup rire : Earl. C'est l'histoire d'un pauvre gars un peu paumé qui a un jour une sorte de révélation : si sa vie a toujours été aussi misérable, c'est parce qu'il a continuellement fait du tort aux autres. Question de karma. Il décide donc de faire la liste de toutes les mauvaises actions qu'il a pu commettre dans sa vie et de les réparer une par une, autant que faire se peut. En se rachetant pour toutes ses erreurs, sa vie est censée s'améliorer...

Après ces choses, Dieu mit Abraham à l'épreuve, et lui dit:
-Abraham !
Et il répondit :
- Me voici !
Dieu dit :
- Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac; va-t'en au pays de Morija, et là offre-le en holocauste sur l'une des montagnes que je te dirai.
Genèse 22:1-2

C'est un passage qui m'a toujours étonné dans la Bible, ce moment où, après avoir permis à Abraham d'avoir un fils dans sa vieillesse, Dieu lui demande de le lui offrir en sacrifice. Parce qu'à la lumière de la Bible, on découvre quel est la signification et le symbolisme caché derrière cette expérience : le fils bien aimé du patriarche qui doit donner sa vie en sacrifice, à l'image de l'œuvre de Jésus des siècles plus tard, le Fils qui donnent sa vie en sacrifice pour le péché des hommes. En décortiquant cette histoire à la lumière du Nouveau Testament, nombre de détails apparaissent pour enrichir l'image : non seulement le sacrifice du Fils bien-aimé, innocent, mais aussi le feu, image de la colère de Dieu qui doit s'abattre sur le Fils, les trois jours de marche pour monter au mont Morija, pendant lesquels Abraham devait déjà voir son fils comme mort, jusqu'à ce que Dieu le libère de cette demande, à l'image de la résurrection de Christ après trois jours passé dans le tombeau...

Un des problèmes que je rencontre depuis que je fais de la photo, c'est qu'ont se fait vite catégoriser comme photographe bon marché... Non pas que je vende mes services, au contraire, mais dès que quelqu'un a besoin d'un photographe sans avoir l'envie (ou les moyens) de se payer un professionnel, on se tourne vers les "copains", vers ceux qu'on connaît qui savent se servir d'un appareil pour un résultat assez correct.

On m'a déjà demandé (souvent) de shooter des mariages, ou le droit d'utiliser mes photos de concerts par exemple, et si certains ne s'embarrassent pas de vulgaires questions d'argent (entre copains, on ne va pas se faire payer), d'autres trouvent plus correct de proposer une petite compensation. Et contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce n'est pas la première catégorie qui me pose problème...

Un instant. Un regard. Un numéro de téléphone échangé. C'est fou comme il suffit de peu pour changer le cours d'une vie. C'est fou comme le fait de recroiser par hasard à un concert une personne avec laquelle j'avais perdu contact, sans trop la connaître non plus à l'époque a suffit à changer les cinq dernières années de ma vie.

Sans elle, je n'aurais pas eu l'occasion de recroiser autant mes anciens copains de promos. Sans elle, je n'aurais pas fait la connaissance de tellement de nouvelles personnes que j'apprécie particulièrement aujourd'hui. Sans elle, je n'aurais même pas pris la peine de découvrir les Enfoiros, encore moins d'y participer. Sans elle, la grande majorité des personnes que je fréquente aujourd'hui serait différente. Sans elle, j'aurais peut-être fait moins d'efforts pour me sociabiliser.

Sans elle, je n'aurais pas été à certains concerts de jazz. Sans elle, il m'aurait manqué une modèle essentielle pour mes premiers portraits. Sans elle, je n'aurais pas du tout eu les mêmes occasions de commencer à shooter des concerts. Sans elle, je ne serais sûrement pas autant retourné à l'INSA depuis que j'en suis sorti.

Sans elle surtout, je serais passé à coté d'une des amitiés qui comptent le plus pour moi. Sans elle aussi, j'aurais peut-être moins passé de temps à m'interroger, m'analyser et ressasser toutes ces questions existentielles. Sans elle, j'aurais raté tellement d'expériences qui expliquent qui je suis aujourd'hui.

Un instant. Un regard. Un contact retrouvé par hasard, sans lequel ma vie présente n'aurait pas du tout été la même. Pas forcément pire, pas forcément mieux, mais totalement différente.